Nous étions entre deux séjours de woofing. Après 10 jours à travailler bénévolement 6 heures par jour, et sachant qu’on allait recommencer pour une semaine, on s’est offert un petit luxe : une séance de cinéma pour aller voir Blade Runner 2049. C’est fou comme ça m’a transportée dans un ailleurs. Installée dans le noir à regarder ce film, j’ai complètement oublié que j’étais à l’autre bout du monde… et je me croyais déjà revenue dans ma vie de citadine, assise sur un siège en mousse rouge, à picorer du popcorn et à rêver de science-fiction. Le générique de fin m’a ramenée à la réalité en quelques secondes, mais cela n’était pas déplaisant.
Le luxe terminé, on s’est mis en route vers le second woofing, avec un peu d’appréhension à l’idée de rencontrer une famille chez qui on allait vivre. Aussi, on se posait des questions sur le travail que l’on allait devoir faire pour mériter gîte et couverts. Ce n’était pas vraiment précisé dans l’annonce, qui disait que cela était très variable. Être respectueux. Montrer de la volonté. Rendre service. Parler anglais. Travailler dur. Voilà à peu de choses près à quoi ressemblait notre préparation mentale sur le chemin vers leur adresse.
Agréablement surpris, on reste dans le luxe : une belle chambre spacieuse avec un lit ‘Queen size’ et une salle de bain attenante… mais aussi du « unlimited Wi-Fi » !
A ce stade, pour expliquer notre enthousiasme, je dois préciser qu’avoir accès à internet haut-débit et de façon illimitée, ce qui peut vous sembler un détail, était une première depuis notre séjour dans le Airbnb à notre arrivée en Nouvelle-Zélande. Dans le pays, un forfait téléphonique internet illimité, cela n’existe pas ; on paie au giga octet (20$ les 2Go en ce qui nous concerne)…
On était ravi ! Cela nous a permis de mettre en ligne la vidéo d’Hobbiton et de regarder la saison 2 de Stranger Things !
Deuxième belle surprise, la ferme et ses animaux qui nous entourent… Que l’on peut voir depuis la baie vitrée de notre chambre. Cela peut vous paraitre étonnant, mais les photos ci-dessous ont été prises de nuit, un soir de pleine lune.
Cette opportunité, d’être à proximité d’animaux de façon prolongée m’a donné l’idée de tourner une vidéo spéciale « ferme » pour l’anniversaire, qui approchait, de ma meilleure amie. Clara étant une adoratrice des animaux, j’ai trouvé que c’était suffisamment justifié !
Je devais avoir un souvenir marqué de « Martine à la ferme » ou une conception idyllique puisée de je ne sais où, car je croyais pouvoir jouer à saute-moutons pour de vrai. Mais non.
On a passé une grande partie de notre temps libre à la réalisation de cette vidéo. Attendre la bonne lumière. Préparer l’appareil. Courir derrière les animaux.
Je pensais que ce serait un échec complet, mais en faisant le montage, je me suis aperçue que c’était drôle. Et aussi, qu’il fallait miser sur cela à l’avenir ; intégrer davantage de scènes du quotidien dans nos vidéos.
Notre travail à la ferme a consisté globalement à réparer les enclos de l’exploitation, ce qu’on appelle ici du « fencing ». J’ai trouvé que c’était amusant. Cela fait marcher, contrairement au « weeding », et puis c’est un travail qu’Antonin et moi avons pu faire ensemble, ce qui est plutôt agréable : pouvoir parler, partager, rire. Oui, c’était bien.
La famille qui nous accueillait (mère allemande, père kiwi, deux adolescents) était plutôt détendue sur le travail : on nous demandait 3 à 4 heures de contribution journalière. En effet, il ne s’agit pas d’une ferme professionnelle, mais d’une ferme familiale. Cela veut dire qu’ils ne vendent pas leur produits ou leurs animaux ; ils s’en servent pour leur consommation personnelle.
On a donc pu manger de la viande. Chose rare pour nous désormais. Et tout un tas d’autres choses auxquelles on n’a pas vraiment accès d’habitude… comme des gaufres. Oui, parce qu’ils avaient un appareil à gaufres… Mais aussi un appareil à pancake, un appareil à churros (je n’avais jamais vu ça de ma vie !) et aussi un appareil à croque-monsieur (tu poses deux tranches de pain de mie dans les compartiments chauffants, et tu y ajoutes la garniture pendant que le pain grille. Chose incroyable, les compartiments sont divisés sur une diagonale, ce qui te permet de faire des sandwiches triangles si tu préfères). J’ai trouvé tout cela excessivement somptuaire et américain. J’ai donc limité ma curiosité pour l’extravagance à l’appareil à gaufre, que je peux comprendre à la rigueur.
Il y avait aussi un placard entièrement rempli de chips, gâteaux, biscuits, bonbons, caramels, chewing gums et autres folies caloriques. Antonin et moi appelions cet endroit ‘le placard à sucre’. Il va sans dire que j’ai mangé comme une ogresse pendant une semaine. J’ai peut-être eu un instinct primitif de survie… Oui, j’ai essayé de comprendre… La peur de manquer, le besoin de faire des provisions. J’avais ce type de raisonnement maniaque et absurde qui te fait faire des choses que tu regretteras plus tard :
Constat n°1 : « Dans quelques jours, tu n’y auras plus accès. »
Constat n°2 : « C’est bon. »
Conclusion : « Mange tout ce que tu peux. »
Seules la gêne et la peur du regard des autres m’ont refrénée au bout de quelques jours. « Que vont penser mes hôtes si je dévalise leur placard ? » ; « Cela ne se fait pas. » ; « Tu es une jeune fille bien élevée Laurène, tu peux te contrôler… » ; « Ils vont penser qu’ils ne te nourrissent pas assez. Ou pire, que tu profites du fait que ce soit gratuit ».
« OK ».
Cerveau 1 – 0 Estomac
Battue, j’ai décidé, à des fins de rétribution et pour montrer ma gratitude, de leur faire des crêpes. Alors qu’ils étaient sortis, Antonin et moi avons passé une soirée à en faire sauter une petite trentaine que l’on pourrait déguster ensemble au petit-déjeuner le lendemain matin.
Ils étaient contents. Seulement les crêpes étaient froides. Alors, ils les ont passées au four à micro-ondes. Probablement trop habitués à passer directement de l’appareil à la bouche ; pour eux, les crêpes se consomment chaudes. Les enfants étaient encore plus contents et on a passé un bon moment.
Ce woofing a été une jolie expérience. On a parlé anglais, partagé des récits de voyage, discuté de la vie et du monde. C’était donc positif, mais on n’a pas toujours su trouver la bonne posture, le juste-milieu entre affabilité affirmée et politesse pudique : sommes-nous supposés passer notre temps libre avec eux dans le salon ou la cuisine pour créer du lien, ou bien nous retirer dans notre chambre pour ne pas les envahir et les laisser en famille ?
Nous ne savons pas quelle était la bonne attitude à avoir, mais on s’est senti soulagé en partant. Chez eux, on avait accès à tout le confort mais c’était « chez eux » et étrangement, on était surexcité à l’idée de dormir dans le van à nouveau.
Parce qu’on y retrouve notre intimité, le van, c’est chez nous.